Rencontre éthiopienne…

19 janvier 1999 – Cela ne fait que 2 jours que je suis en Ethiopie. C’est ma première fois. Je découvre tout de ce pays si particulier. Je pensais comme beaucoup de voyageurs assidus en Afrique, comprendre le fonctionnement des pays africains ; j’avais déjà une vision plurielle du continent mais l’Ethiopie allait me montrer un visage que je ne connaissais pas encore, des sensations aussi. Je ne connaissais pas encore le Simien, Gondar, Lalibela, ni même le Tigré. Pourtant ce 19 janvier, nous sommes le jour de l’épiphanie copte éthiopienne, Timkat, la plus importante fête religieuse du pays.

Avec l’ignorance du primo accédant à ce monde à part, j’ai découvert rapidement Addis avant de voler vers Bahar Dar. Alors que tout le monde se rue vers Lalibela, le choix fut fait de vivre Timkat à Bahar Dar. Ce Lake Tana reed boatsmatin, découverte des îles du lac Tana et de ses quelques monastères. Tout est nouveau, tout est beau. Les bateaux en papyrus, le reflet rosé de l’eau de ce grand lac, même les berges non baignables de ce lac me paraissent poétiques. Il est 14h et la journée fut longue. Alors que la sieste fait son appel, je décide de partir dans les rues désertes de la ville. Bahar Dar est une ville assez moderne sans charme réel. Les grandes rues sont désertes. Ma marche me mène jusqu’à l’église Saint Georges de la ville. Je ne savais pas encore que ce fût l’église principale.

Je pousse la porte de l’église. Une église copte ne ressemble pas à une église catholique ; Quelques assises et au centre le “saint des saints” impénétrables au cÅ“ur duquel on devine mille trésors. A l’intérieur, deux St. George church in Bahir Dar Photograph by Marek Poplawskihommes sont assis. L’un a un tambour géant et l’autre un simple cistre. A tour de rôle, ils font retentir leur instrument. Un coup de tambour, suivi d’un aller-retour de cistre. Comme hypnotisé par ce spectacle d’une simplicité hypnotisante, je m’assois avec quelques rares personnes à regarder ce lent ballet de ces deux hommes immobiles. Cette scène dure longtemps, très longtemps et je me laisse emmener par ce bruit entêtant et perpétuel. Je regarde chaque détail à ma portée, j’apprends chaque icône visible, chaque tissu ou peintures qui s’offrent au regard ;

Peu à peu, de manière à peine perceptible, je sens une douce agitation s’emparer de l’église… le cistre et le tambour augmente aussi imperceptiblement le rythme de leurs sons. Cela fait déjà deux heures que je suis ici. Aucun ennui, juste la sensation d’être au bon endroit. Je ne sais pas pourquoi encore. Le cistre et le tambour continuent l’augmentation de leur cadence au point de devenir de plus en plus harmonieux et rythmés. J’entends une rumeur qui traverse les murs. Il se passe quelque chose dehors. Mais à l’intérieur ce qui est devenu une musique devient totalement folle, presque entraînante. La grande porte de l’église s’ouvre soudain. Et quasi en même temps, celle du “saint des saints”. La rumeur extérieure devient des cris de joie, des hurlements et des dizaines de tam tam qui battent à l’unisson.

Le prêtre de l’église sort avec son bel habit, entourés de personnes l’abritant de parapluies multicolores. Derrière lui, d’autres portes visiblement un trésor recouvert de magnifiques tissus brillants et de toutes les couleurs. La procession débute dans l’église au son assourdissant des tam tam extérieurs. Le cistre et le tam tam sortent, suivis de la procession. Puis discrètement, je sors derrière eux.

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Devant moi, le grand carrefour qui entourait l’église est noir de monde. Les églises de la ville avaient toute fait ce même rituel un peu plus tôt et s’étaient mises en route pour l’église principale. Je n’oublierai cette scène surréaliste. J’étais entré dans une église déserte en empruntant des rues désertes et quelques heures plus tard, la foule était gigantesque, le bruit et les clameurs montaient dans le ciel, une alégresse se soulevait de toute part. La procession de “mon” église rejoint alors les autres processions, prêtres et trésors.

Les tam tam tapaient en cadence, la foule amassée autour dansait et chantait. Je me souviens de cette couleur des habits blancs des fidèles, des visages souriants et au centre de cette explosion de couleur. Après les “retrouvailles”, la procession se met en marche. Je comprends que de nombreuses personnes sont venues des villages alentours. Beaucoup de bergers ; on m’interpelle au début, curieux qu’un étranger soit là au milieu d’eux. Visiblement heureux de ma présence, ils m’embarquent avec eux et nous partons en direction d’un lieu encore inconnu.

Le long de la procession, danses et chants alternent. J’y prends ma part, bien qu’ignorant les paroles et les gestes. On me les apprend et je danse avec tout le monde, je crie et je chante. A cette instant précis, l’étranger que j’étais avait disparu, j’avais l’illusion que j’étais l’un des leurs. C’est une sensation assez rare lorsque l’on voyage et particulièrement quand on est blanc en Afrique.

Timkat Archives - Joni Kabana PhotographyJoni Kabana PhotographyAprès de longues minutes de marches, la longue colonne formée par la procession et les fidèles traverse un portail et un énorme champ plat et infini s’étend devant nous. Tout le monde semble prendre ses quartiers dans ce grand champ qui devient à son tour rempli de fidèle, de chants et de musique, d’une sorte de transe collective bien agréable.

Le soleil se couche doucement sur Bahar Dar et je resterai encore quelques heures jusqu’à la nuit dans cette célébration dont j’ignorais tout. En une demi-journée, j’avais pu vivre intensément une célébration religieuse mais au-delà, j’avais eu la sensation de disparaître. J’étais devenu un berger éthiopien, copte, vivant l’un des plus beaux jours de sa vie, célébrant une religion que je commençais à peine à entrevoir.

Les gens étaient beaux, les chants, le ciel, les couleurs, tout semblait si spontané et tout était pourtant si beau. Ce jour-là, 19 janvier 2019, je suis tombé amoureux de l’Ethiopie.

Commentaire (1)

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