Covid en Afrique : les raisons d’espérer

Vue d’une Europe qui se confine, pétrifiée de peur face à une deuxième vague qui dit son nom, la situation en Afrique est parfois bien loin de ces préoccupations. Face au regain terroriste, là aussi, les regards se tournent vers les zones d’où proviennent des messages condamnant la position de la France, alors même que la tolérance et la liberté sont au cÅ“ur de l’idéal européen aujourd’hui. Mais alors que le “de pire en pire” ne cesse de se répandre, le temps viendra inévitablement du ” de mieux en mieux” ; Voici donc un petit état des lieux de la situation des principales destinations touristiques africaines.

1) Des frontières qui continuent d’ouvrir

Certes, un départ immédiat en Afrique n’est pas à l’ordre du jour. Mais à l’heure où nous nous confinons, les pays africains ouvrent leurs frontières, au moins en apparence au grand dam des populations qui vivent du tourisme.

L’Afrique du Sud a ouvert ses frontières mais a interdit aux ressortissants de ses principaux marchés (France, Royaume Uni ou Etats Unis) l’entrée sur son territoire… bref une ouverture pour rien alors que l’épidémie n’est pas terminée dans le pays et où le risque de deuxième vague menace. Passer Noël en Afrique du Sud ou même la fin de l’automne semble assez peu probable mais cependant pas impossible.

La Namibie qui avait eu l’originalité d’imposer un test après 5 jours de voyage a enfin retrouvé la raison et s’ouvre avec pour seule condition la présentation d’un test PCR. Preuve s’il en est que les décideurs prennent des décisions d’ouverture en trompe l’Å“il. Heureusement, la Namibie a vite rectifié le tir… Mais l’arrivée des touristes ne dépend pas vraiment d’eux.

Le Kenya est également ouvert sur présentation d’un test à l’arrivée. Mais parallèlement, la côte de l’océan Indien, le Nord et la route de Nairobi à Mombasa demeurent déconseillés pour d’autres raisons, le risque terroriste. La situation économique est catastrophique. En témoignent ces images au Village Market de mise aux enchères à la chaîne de commerce de ce centre branché de la capitale kényane.

La Tanzanie s’est ouverte en premier et sans condition. Les élections ont eu lieu et les résultats sont encore incertains, même si la réélection du président Magufuli fait peu de doutes. Il faut dire qu’il a tout fait pour museler l’opposition. L’annonce des résultats traîne cependant. En espérant que cela se passe dans la paix… et la vérité. Les voyageurs sont revenus en petit nombre, tous extrêmement satisfait d’être passés outre la peur pour profiter du Nord du pays ou des plages de Zanzibar.

Madagascar qui devait ouvrir pleinement au 1er novembre (après avoir seulement ouvert Nosy Bé) a décidé de fermer de nouveau ses frontières pour éviter une résurgence de l’épidémie. Seuls 244 décès et 17000 cas ont eu lieu sur l’île rouge mais la crainte de la résurgence demeure ; au prix d’une relance si attendue du tourisme.

Le Botswana a trouvé une idée originale pour ouvrir tout en restant fermé : n’autoriser les entrées sur le territoire qu’aux seuls vols privés. Une concession aux opérateurs haute contribution du pays mais qui ignore la réalité du comportement des touristes. Bref, le Botswana demeure fermé.

Le Sénégal enfin, a pris après de très longs mois, la décision d’ouvrir ses frontières pleinement depuis le 22 octobre dernier sur présentation d’un test PCR de moins de 5 jours. Une décision très attendue localement par une industrie touristique aux abois et qui devra certainement attendre que les touristes en provenance d’Europe et principalement de France ne reviennent.

Le Cap Vert s’est rouvert également moyennant un test PCR de moins de 3 jours. Toutefois, chaque île émet ses conditions rendant complexe un voyage inter île et permettant au mieux de combiner Sao Vicente et Santo Antao…

L’Ethiopie se dit ouverte et les opérateurs locaux communiquent régulièrement. La réalité selon le Quai d’Orsay est qu’une quarantaine de 7 jours est imposée à l’arrivée même pour les voyageurs munis d’un test PCR de moins de 5 jours (pourtant obligatoire). Autant, dans ces conditions rester fermer puisque cela condamne de fait tout voyage touristique.

2) Les raisons d’espérer cependant

Chaque pays, chaque zone a pris ses décisions d’ouverture, de fermeture ou de fausse ouverture. La réalité aujourd’hui est que quelle que soit les décisions prises, le virus s’est maintenu longtemps dans les pays concernés même avec des volumes faibles dans la plupart des pays africains en comparaison de l’Europe ou des Etats Unis. On voit également que les pays qui ont conservé leurs frontières fermées à l’image du Royaume Uni notamment, n’ont pu éviter une seconde vague. L’étranger et le touriste n’est donc pas le principal vecteur de ce virus. On peut raisonnablement dire que le responsable est celui qui ne respecte pas les gestes barrières. En se trompant d’ennemi, les nombreux pays africains concernés par le tourisme (qui représente souvent plus de 10% du PIB), ont mis en danger tout un pan de leur économie. Face à ce danger, aucune mesure, comme nous en avons connu en Europe ou trop peu. Et pourtant, malgré ce tableau pessimiste, il existe des raisons d’espérer :

  • Tout d’abord, l’arrivée de test transgéniques, rapides et permettant d’obtenir des résultats rapides, permettra bientôt d’envisager de voyager sans dépendre de délais de réponse variables des laboratoires. Si cela n’est pas une réponse aujourd’hui car la peur règne, mais bientôt, quand la peur sera passée, cette solution sera une vraie solution.
  • Le désir de voyage reviendra vite, les témoignages d’envie d’ailleurs se multiplient sur les réseaux. Chacun a apprécié se balader dans son pays, louer une villa ou un appart, découvrir les régions autour de soi. Mais l’envie de partir, de voyager, de rencontrer, de se dépayser reprendront le dessus.
  • Les voyages en Afrique se font en grande partie pour y découvrir les grands espaces. On peut le déplorer en temps normal tant il y a à découvrir dans les villes et auprès des populations. Mais ce sera sans doute un argument pour partir plus vite car la distanciation sociale fait partie intégrante d’un voyage dans un grand nombre de ces pays.
  • L’Afrique dans son ensemble, malgré les alertes de l’OMS et celles des médias, n’a pour l’instant pas connu l’épidémie meurtrière qu’on lui prédisait. Certains y voient le triomphe de l’hydroxy chloroquine. D’autres plus prudents, y voit l’évidence d’une population jeune et d’une faible urbanisation. Bref le continent africain, dont la plupart des pays ont été très prudents mais qui connaissaient aussi les moyens de se protéger suite notamment, à l’épidémie d’Ebola qui avait touché le continent et entraîné des mesures de protection. Le continent africain n’a pas vécu les drames des autres continents et à l’heure de l’ouverture et des bilans, cela aura un impact positif sur les destinations africaines.
  • Les principaux voyageurs en Afrique (d’Europe ou des Etats Unis) et plus grands contributeurs sont les plus fortunés. Si une chose est certaine, cette crise est très difficile pour les classes moyennes et pauvres de ces pays. Mais, les riches, eux, ceux qui voyagent, ont augmenté leur épargne et ont souffert de rester bloqués dans leur pays. Donc, eux, ils partiront vite et ils se feront plaisir dès lors qu’ils le pourront. Cette injustice des pays du Nord sera bénéfique aux voyages en Afrique même si cela est pénible à écrire. C’est une réalité. L’ouverture du Botswana aux seuls avions privés en dit long.
  • Les pays d’Afrique Australe rentrent dans leur “green season”, une saison durant laquelle les voyages se font plus rares. La Namibie, le Botswana, le Zimbabwe et la Zambie sont parmi ceux qui n’attendent pas grand chose des voyageurs et cela jusqu’au printemps 2021. Mais attention, les voyages de 2021 se réservent maintenant et durant le premier trimestre. Ne pas clarifier les choses avant pourra les condamner à détruire leurs chances d’un redémarrage quand l’heure sera venue.

3) Et maintenant, on fait quoi ?

Eh bien on attend sagement, résignés mais patients, dépités mais confiants. Le redémarrage arrivera. L’Afrique du Sud ou le Kenya qui disposent d’un marché intérieur important par l’existence d’un classe moyenne importante voient déjà les réservations intérieures repartir. Certes, à des prix bradés, et un service parfois dégradé, mais l’envie de voyager est là et certains hôtels voient les voyageurs revenir, locaux certes.

On évite de hiérarchiser les peines et les souffrances, de dire qui souffre le plus, d’être excessivement corporatiste. Cette période challenge notre sagesse individuelle, notre altruisme et notre pensée. C’est normal. Mais nous devons lutter contre nos peurs autant que nous le pouvons et ce travail est intime, personnel. Et on réfléchit à l’avenir quitte à déjà agir, anticiper.

Enfin, difficile de suggérer de réserver son voyage alors que nous sommes dans le Nord du monde, encore au fond du trou. D’ailleurs, cela semblerait assez dérisoire que de le suggérer. L’important n’est pas d’exhorter à faire ou ne pas faire, mais d’espérer et d’attendre. Car sans espoir, il n’existe pas de lendemain. Mais cet espoir se doit aussi d’être exigeant. Exigeant auprès des pays africains pour qu’ils fassent l’impossible pour ne pas insulter l’avenir.

4) Une vigilance indispensable est de mise

Dans de nombreux pays africains, dans la rue, la Covid est déjà un lointain souvenir, du moins le croit-on. A l’image de Johannesburg qui vit comme avant, sans grande précaution et qui s’expose avec insouciance à une seconde vague qui semble inévitable. Si les pays africains ont été relativement épargnés, les politiques parfois difficiles des gouvernements doivent devenir vigilantes sur les gestes barrières et la surveillance de leur bon respect… Autant que possible. L’insouciance est rarement récompensée. Il serait ballot que une fois les pays du Nord aient maîtrisé l’épidémie, les pays africains doivent affronter une seconde vague.

Les peuples ont souffert et souffrent encore. Il ne faut pas sous-estimer les conséquences à court ou moyen terme d’une telle crise. On le voit régulièrement mais la révolte des jeunes face aux violences policières au Nigeria, la dérive autoritaire du président Tanzanien, la progression des mouvements islamistes sur la côte mozambicaine ou Nord Kenyane, la colère sociale qui s’expriment chaque jour, le manque de soutien économique intérieur et extérieur. Les menaces sont là. Pour cela, les régimes en place vont être bousculés. La réponse à cette crise sera un test pour voir si la démocratie encore jeune de nombreux pays y résistera. Si le populisme et la violence ne chassent pas comme ailleurs la raison et la paix. Les pays africains ont leur destin en main mais ils doivent aussi profiter de cette crise pour s’unir encore plus, peser plus, réclamer l’assistance qui leur est due.

Bref, on n’est pas sorti de cette crise inédite, mais si les menaces sont multiples, l’espoir doit triompher et il s’agit de le construire. Il s’agira aussi pour les pays africains de devenir maîtres de leur destin et de profiter finalement de cette crise où chacun se replie sur soi pour s’unir et regarder le reste du monde… dans les yeux. De demander l’annulation de sa dette, de réclamer des milliards alors que les pays du Nord les sortent de leur chapeau avec une facilité déconcertante, de penser l’avenir, ce fameux monde d’après et profiter des challenges que cette crise représente.

A défaut d’être réaliste, il n’est pas (encore) interdit de rêver.

Commentaire (4)

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