Afrique du Sud : mon premier safari

J’ai rencontré le safari en Afrique du Sud en 1996. Fraîchement arrivé dans le pays où je venais m’installer, on m’a alors offert une expérience très locale: vivre 3 jours en autonomie totale en pleine brousse. Point d’aventure à la Koh Lanta en vue, il s’agissait de partir en voiture plein Nord à 3 heures de Johannesburg dans un domaine connu sous le nom de Lapalala. Nous sommes arrivés à une petite cahute, porte d’entrée de ce domaine sauvage. Je me souviens encore de la taille impressionnante des criquets qui se posaient sur les barrières en bois. Clairement, je rentrais alors dans un monde aux dimensions nouvelles et gigantesques. Une fois les clés récupérées, nous voici partis pour 1h30 de piste vers notre lieu de villégiature. Ici, pas de clim, ni de piscine, pas de mobilier design mais un certain confort compte tenu de l’isolement. Les fenêtres étaient ouvertes et seulement couvertes de rideaux de paille. Les lieux de vie étaient totalement ouverts sur l’extérieur. Une rivière coulait à quelques mètres de là, elle ferait office de piscine. Et l’incontournable boma (lieu où l’on fait le feu) pour des barbecues festifs. Un frigo, des chaises et nous voilà partis pour ces 3 premiers jours en pleine nature africaine. Les provisions étaient démesurées tant en boissons qu’en viande, ce long weekend serait gourmand et arrosé comme les sud africains savent le faire. Mais surtout, dehors, il y avait la nature vierge et inquiétante, forcément.

Le premier contact fut une courte marche dans la nature. Ici rien à priori de trop dangereux, pas de félins, normalement; Mais plein d’autres choses. Potentiellement. Mon premier safari sera à la fois le plus pauvre mais aussi le plus fort en émotion. Cette marche nous permet de suivre la piste et découvrir la flore environnante. Des acacias, quelques savanes, des figuiers gigantesques et aussi quelques baobabs. La première émotion est là. Le bruit tout d’abord. Un faux silence troublé de milliers de bruits, insectes, craquements mystérieux, vent, frottement des feuilles et des herbes et cacophonie de chants d’oiseaux. Les odeurs enfin, diffuses et enivrantes.

De retour à la “maison”, on commence alors à allumer le feu. La nuit va bientôt tomber, presque d’un seul coup et une autre histoire va commencer. La chaleur, les bruits, les sensations, tout alors changera. Le feu prend bien, il faut dire que le bois ne manque pas et il est sec. Le soleil disparaît peu à peu, mais ici pas de lumière chaleureuse. La première nuit sera une nuit noire, terriblement noire.

Agglutinés autour du feu, la chaleur a quitté l’endroit avec le soleil et le point de cuisson devient également le seul chauffage. Le repas est agréable, forcément et les nombreuses boissons achetées réchauffent les cÅ“urs. Mais l’heure du coucher arrive. Il est temps d’aller dans ma chambre. Quatre murs, une fenêtre seulement couverte d’un simple rouleau en raphia. Le vent rentre doucement, le froid aussi. Mais au loin, un cri brise le silence. Comme un aboiement. Puissant et lointain. Je ne le sais pas encore mais ce bruit m’accompagnera durant les prochains jours.

La lampe torche ne me quitte pas. Les bruits extérieurs, ponctuels et puissants sont seulement interrompus par des bruits plus proches. Le toit de chaume semble aussi vivre un peu. A intervalle régulier, je tente d’en surprendre l’auteur. En vain. Puis soudain, je gagne et je vois enfin l’auteur de ces bruits gênants, un lézard de 30 centimètres de long qui se promène. Il est rapidement rejoint par de petits gecko, des lézards plus petits au bruit quasi permanent qui ressemble à à un cliquetis avec la langue. Cette première nuit, sombre et froide, prend le chemin pour être froide. Mes sens sont en éveil permanent. Je crois que mes oreilles n’ont jamais été aussi à l’affut. Un pas lourd et sourd s’approche… après le lézard, et tant que c’est à l’extérieur, pas grand chose à craindre. Toutefois, ce pas semble bien lourd… j’entends quelque chose qui sort de l’eau. J’entends les gouttes qui coule de son corps et j’entends que ce corps s’approche de ma fenêtre. Je fais alors souffler la lampe torche qui commençait à chauffer pour m’approcher du rideau. Dans la pénombre, je découvre une énorme masse. Un hippopotame sorti de la rivière située au bord de la maison. Je connaissais déjà combien cet animal ballot hors de l’eau pouvait être meurtrier bien qu’il ne soit pas carnivore. Alors, je me fais tout petit, pas fier, silencieux, concentré… Je rentrais alors dans une guerre dont je ne triompherais que par ma lâcheté et mon silence. Quelques longues minutes plus tard, l’hippo continuera son chemin. Il traversera ce qui fait office de cuisine et séjour pour en ressortir et aller comme chaque nuit, brouter la savane environnante. Je retourne alors me coucher et seule une énorme araignée surprise sur le mur occupera ma nuit… et un scorpion aussi vite expulsé de mon lit. Au petit matin, alors que le jour se lève, le sommeil m’envahit… de courte durée. En brousse, on se réveille tôt.

La journée sera dédiée, à la promenade (safari à pied), découverte des traces de la nuit, des antilopes ou petits félins ou de rongeurs. Quelques crottes aussi et quelques insectes géants alimentent la récolte en sensation. Les sortes d’aboiements violents entendus la veille reprennent dans l’après midi. Moins lointains mais toujours hors de portée et de vue. L’après midi, la rivière rocheuse fera office de piscine. Les hippopotames sont loin, plus en amont, dans les eaux profondes. Pas de crocodiles non plus. Soleil, gin and tonic et massage de la rivière, un après midi à la cool. Au loin les aboiements continuent par moment. Plus proches, mais toujours loin.

La deuxième nuit fut merveilleuse et insouciante. Trop de fatigue et peut être de vin aussi, trop d’émotion la journée et un sentiment agréable, celui d’appartenir à la nature qui m’entoure. Voici la première sensation extraordinaire qui m’a entouré. En 24h, je suis passé du peureux sortis de sa civilisation au membre de la vie sauvage. La nuit sera profonde et douce.

Le matin, le réveil est matinal, avec le soleil. Les visiteurs de la nuit dont quelques singes vervets et autres espèces ont laissé un peu de bazar mais sans excès. Quelques traces aussi. Mais, après un doux café au soleil, un visiteur s’approche, à la fois peureux et téméraire. Un phacochère s’approche, ce sera ma première interaction avec un animal sauvage. Mes amis m’alerte sur le fait que ce petit sanglier africain peut casser une jambe d’un coup de boule. Il faut dire qu’il a de jolies petites défenses. Mais son approche douce et prudente me met en confiance. Je m’approche de lui, doucement, une pomme à la main, si jamais je dois l’amadouer. Il trouve des miettes et plie ses deux jambes avant pour s’en délecter. Il continue sa progression, doucement et moi la mienne. Quand nous nous retrouvons à quelques centimètres l’un de l’autre. Je n’ai pas essayé de le caresser, ni même de le nourrir, cette proximité fut magique, dénuée de crainte même si l’un comme l’autre, nous restions sur nos gardes. Fort de ma confiance, je me lève et mets involontairement fin à ce moment de communion avec Pumba. Ce moment fera que longtemps, le phacochère, malgré sa plastique peu flatteuse, fut mon animal fétiche.

L’après midi, re rivière, re gin and tonique et re kiffe… jusqu’au moment où les aboiements reprennent de plus belle. Plus proches, voire menaçants. Ce n’était pas réellement des aboiements, ni même des cris mais un peu des deux. Il s’agissait d’un groupe de babouins, de beaucoup de babouins. Ce groupe avait dû nous sentir arriver deux jours auparavant et s’était mis en marche vers notre cahute. Ils venaient d’arriver et ils n’étaient pas venus pour rien.

De l’autre côté de la rivière, tous les individus s’agitaient. Visiblement, le grand arbre juste en face de la rivière et de notre maison était à leur goût. Ils volaient de branche en branche, allaient sur le sol, couraient, marchaient, se battaient. Sur une grande branche, le boss, énorme, nous regardait. Oubliés les petits vervets, là on rentrait dans une autre dimension, une taille plus imposante, des dents plus proéminentes et un appétit féroce. Le braaï, le dernier du séjour, se déroule avec vigilance. La nuit a tombé et nos voisins sont bruyants dans leur arbre maison. On sait bien que demain, ils viendront.

Je ne me doutais pas qu’ils seraient si matinaux. Après les premiers rayons du soleil avaient ils décidé de sortir de terre que les babouins étaient dans la maison en train de faire les emplettes. Frigo ouverts, restes déballés des poubelles, cette dernière matinée, nous avions déjà droit au room service, bruyant et même menaçant parfois. Mais ils étaient gérables. Enfin, jusqu’à ce que le grand mâle vienne à son tour. Là, la communion avec la nature, la confiance que mon phacochère m’avait donné, tout s’était envolé pour laisser la lâcheté reprendre le dessus et laisser le monsieur faire son petit tour. Au bout d’une heure, la famille reparti pour la balade de sa journée. Il était temps de repartir. Pas de gros animaux mais des sensations dont je me souviens encore du détail aujourd’hui. Je venais de découvrir que la nature était plus forte que moi mais que j’en faisais aussi partie, je venais de vivre mon premier safari.

Commentaire (1)

  • Merci Fabrice👍

    Floreal Gavalda

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